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Mener une initiation au bal folk : mode d’emploi

En tant que danseur ou danseuse, on vous a peut-être déjà demandé de mener une initiation au sein de votre association, lors du bal organisé par le centre culturel, pour vos collègues de boulot, auprès du BDE de votre université… La communauté est ainsi faite, souvent portées par des bénévoles, des danseurs amateurs qui doivent s’improviser animateurs* de danse le temps d’une soirée. On ne sait pas toujours par où commencer, ni comment s’organiser.  Comme j’aime bien échanger autour du sujet avec d’autres animateurs et organisateurs de bals, je me suis dit que je pourrais partager avec vous le cadre qui régit mes initiations, dans les deux formats que j’ai expérimenté, soit l’initiation avant le bal ou l’initiation au fil de l’eau.

Bien sûr, il s’agit d’UNE manière de fonctionner, certainement pas la seule ni la meilleure. Elle n’est ni complète, ni absolue, ni suivie à la lettre à chaque fois. C’est le fruit de nombreuses réflexions, discussions avec les membres de mon association, essais et erreurs qui, je l’espère, s’amélioreront avec le temps.

Vous n’en aurez peut-être pas besoin d’ailleurs, sauf si comme moi vous avez besoin d’organiser un cadre, une structure permettant de vous rassurer ou de servir de base à l’improvisation orale.

(*) J’utilise le terme animateur / animatrice car le terme professeur ou enseignant de la danse est normalement associé à une personne avec des diplômes et des certifications, ce que je ne suis pas (#légitimité). Devrions-nous, ou pas, être tous et toutes diplômés et certifiés avant d’enseigner quoi que ce soit aux gens, la question est légitime, mais ne sera pas ici débattue.

Une initiation, c’est quoi ?

Tout d’abord, une initiation, c’est quoi ? C’est généralement un temps donné, avant un bal, pour expliquer quelques danses aux nouveaux arrivants, histoire de leur faciliter l’entrée et l’intégration pendant la soirée.

Les gens qui y assistent sont de plusieurs sortes, la plupart du temps simples néophytes ou des danseurs habitués qui arrivent en avance ou qui accompagnent leurs proches.

Cette initiation est généralement placée entre les balances et le bal, et donnée dans la salle de bal ou un espace attenant. Elle est souvent donnée dans un espace ouvert, public et bruyant.

Pour ma part, l’objectif d’une initiation n’est pas d’apprendre aux gens à danser parfaitement. Ce n’est pas un cours de danse. C’est avant tout leur donner « l’idée de la danse », les codes d’inclusion, et leur permettre de :

  • se débrouiller sur quelques danses pendant le bal qui va suivre
  • s‘intéresser au bal, à la culture de la danse
  • les aider à rencontrer des gens, à poser des questions, bref à s’inclure plus facilement
  • les amener à prendre des cours et des stages

Quand je parle d’amener les gens à prendre des cours, c’est bien simple : nous avons là des gens qui sont conscients de ne pas savoir danser, et réceptifs à l’idée qu’on leur explique

Personnellement je ne pense pas qu’il soit possible d’avoir une connaissance technique et culturelle approfondie sans cours ni stages. À l’heure où transmetteurs et organisateurs se plaignent d’un affaissement du niveau général des danseurs, l’enjeu est là, l’initiation c’est la porte d’entrée. On vous donne l’idée de la danse pour que vous puissiez profiter de la soirée, les cours et stages sont là pour vous enseigner proprement. Il y aura toujours des gens prêts à vous apprendre “sur le parquet”, mais je ne pense pas que ça puisse être carré sans le temps d’explications ou de pratique adéquats.

L’initiation avant le bal

La durée standard d’une initiation avant le bal est généralement entre 30 minutes et une heure. C’est parfois plus, mais au delà ça devient potentiellement plus dur à tenir pour l’animateur (en termes de pédagogie) et pour les danseurs (en termes d’attention).

Échauffement, introduction et contexte

La première chose à savoir, c’est que les gens ne vont pas arriver à l’heure, et que vous allez devoir gagner du temps. Je préfère commencer globalement dans les temps par respect pour les gens qui sont là, mais pour gagner du temps et garder les gens actifs, j’aime commencer par une phase de micro-échauffement, de rencontre entre les personnes.

Mon conseil : s’il y a possibilité d’être sonorisé avec un micro-casque, dites oui. Ça fait formel, c’est stressant d’avoir une machine sur soi, mais tout le monde vous entendra sans que vous ayez à élever la voix. Confort pour vous, confort pour les gens. Et ça renforce votre autorité et votre posture de transmetteur.

Il va ensuite falloir expliquer qui vous êtes, ce que vous faites là, et ce qu’il est prévu de faire. Si vous êtes simple danseur, bénévole de l’association, ne vous cachez pas. Dites que vous venez pour transmettre les bases de certaines danses, dites que c’est pour les aider mais que l’association propose aussi des stages plus complets.

Enfin, et très important pour moi, je place un cadre culturel. Plutôt qu’un discours descendant, j’aime bien poser des questions aux gens. Qui peut expliquer ce qu’est le bal folk ? Les danses viennent d’où ? De quels types de danses on parle ? C’est quoi les 4 grandes danses de couples qu’on peut voir en bal? Valse, Mazurka, scottish, polka ? Et ça date de quand ces danses à votre avis? Qui peut me citer un nom de mixer ? Qui peut me citer un nom de danse et la région dont elle est issue? Quels types d’instruments on va entendre dans un bal ? Etc.

Bref, les gens savent des choses, alors vous pouvez rendre le truc interactif et participatif.

Personnellement, je garde toujours cette étape, même si je n’ai que 30 minutes d’initiation. Je préfère aborder moins de danses, mais garder au moins 3 minutes de contexte.

Quelles danses aborder ?

Bien sûr, ça va dépendre du temps que vous avez, du groupe qui va jouer et de la difficulté des danses. J’aime bien avoir des danses de groupes (en premier car c’est fédérateur, tout comme en bal) et une danse de couple.

En 30 minutes, timing très chaud, je ferais :

  • Sauter l’échauffement,
  • Garder l’intro sur le contexte
  • Une danse de groupe (cercle circassien, chapelloise, rond d’Argenton…)
  • Une de couple (scottish, valse ou polka) ou en duo (bourrée 2 temps…)

Les gens sont censés être nouveaux à chaque fois, donc vous n’êtes pas obligés de changer de programme, ni de prévoir une progression entre deux initiations. C’est vous qui voyez.

Y a-t-il des danses à ne pas faire?

Pendant longtemps, ça a été ma grande question : y a-t-il des danses à ne pas aborder? Il ne vous viendra peut être pas à l’esprit d’organiser une initiation fandango (si oui, bon courage), mais il est assez probable que les gens vous réclament certaines danses, comme la mazurka, la bourrée 3 temps ou la valse à 5 temps.

Je ne vais pas vous jeter la pierre : j’ai déjà tenté les 3 en initiation. De mon expérience, ça n’est pas super concluant. Le temps de l’initiation est trop court et au final, les gens n’auront pas le temps de bien saisir la danse. Expliquer des danses complexes, dans l’urgence, à des gens qui au final ne vont pas trop comprendre, c’est ingrat, voire contreproductif. Malgré tout, on m’a déjà répondu oui, mais ça décomplexe.

Dans ce cas, soyez clairs et honnêtes : on va vous montrer une danse mais vous ne parviendrez probablement pas à la maîtriser. On va vous donner l’idée grosso-modo pour que vous osiez vous lancer, et ne pas rester planté sur un bout de parquet. That’s it, valeur technique = zéro.

Idem pour les danses dont vous aurez simplifié / changé les pas. Il faut que les gens sachent que ce qu’ils font n’est pas correct et que c’est de la débrouillardise. Je ne suis pas pour la simplification des pas si je peux l’éviter. Je suis pour apprendre la version la plus propre possible dans le peu de temps imparti, quitte à virer les variantes, mais aller le plus loin possible dans le pas de base.

Moi quand je termine une initiation avec de la pseudo bourrée 3 temps dedans

Mener une initiation bal folk

Les petits “trucs” de l’initiation

Un pas de base, des pas de base

En initiation, il n’y a pas le temps de faire de l’art. Vous allez choisir un pas et le montrer, mais potentiellement ce n’est pas la seule manière de danser, je trouve important de le dire. De même si vous simplifiez les pas “pour les aider”, n’oubliez pas de le préciser.

Par ailleurs, est-il besoin de dire qu’une initiation se prépare au même titre qu’un cours ? Soyez à peu près sûr de ce que vous allez dire, consultez des vidéos ou des livres en amont au besoin.

D’autant qu’il existe plein de danses avec des pas d’usage qu’on voit en bal et qui ne sont pourtant que des formes simplifiées ou pas traditionnelles du tout. C’est déjà compliqué pour nous qui sommes dans le milieu depuis un moment, alors j’imagine la difficulté à comprendre pour des débutants.

Choisir sa méthode de comptage de pas (et s’y tenir)

Il m’a toujours semblé important de choisir une méthode de comptage de pas, et de s’y tenir. Faut-il compter les pas ou les temps et les contretemps, chacun son choix. Pour ma part, je ne suis pas du tout musicienne et je perçois aujourd’hui combien le solfège et la théorie de la musique me limite aujourd’hui quand je dois faire de la pédagogie sur la danse.

Pas de scottish

A vous de voir comment vous préférez comptez, mais soyez conscients de ce que vous faites. Et si vous changez de manière de compter les pas en cours de route, n’oubliez pas de le préciser.

Je vois aussi des gens expliquer un pas de base (à la bourrée 2 temps par exemple), mais faire un pas différent à la démonstration. Sachez le, les débutants voient tout, et ils veulent faire comme vous – même (et surtout) quand vous faites n’importe quoi.

Il existe plein de moyens d’expliquer. Sur la mazurka par exemple, certains comptent en 6 temps, d’autres sur 12, et beaucoup de gens utilisent le moyen mnémotechniques comme MA-ZUR-KA-1-2-3 (qui n’a aucun sens pour moi, je n’ai jamais compris si c’était 123mazurka ou mazurKA123, ce n’est pas porteur d’indications techniques pour moi). Enfin, certains transmetteurs utilisent plutôt la transmission par le rythme ou en chantant. Je ne sais pas le faire, mais je trouve ça très intéressant.

Tout ça pour dire qu’il n’y a pas besoin de répéter des choses qu’on vous a apprises sur le parquet ou de reproduire ce que font les autres. Vous pouvez trouver votre propre manière d’expliquer, mais pensez bien à vous interroger sur le pourquoi, le comment, en combien d’étapes etc.

Choisir sa musique ne signifie pas choisir sa musique préférée

Composer sa playlist d’initiation est également un moment important. Vous aurez peut-être la chance de voir le groupe du soir faire également la musique en live à l’initiation, mais pas toujours. Il vous faudra alors composer avec la musique mp3 à votre disposition.

Cependant, vos musiques préférées ne sont peut-être pas les plus adaptées pour les débutants. La mazurka avec Nina ou la Petite fée, c’est effectivement très joli, est-ce que les débutants vont entendre les temps ?

Le choix de la musique est complexe si on veut éviter les musiques trop subtiles, trop rapides ou trop lentes.

Pour ma part, j’essaie d’identifier une musique facile à entendre pour les débutants, de préférence plutôt traditionnelle si je peux. Si le contexte s’y prête et avec assez de temps, j’essaie de leur faire écouter plusieurs versions trad et une version plus « néo ». Et si d’aventure le groupe qui joue ensuite fait des morceaux très subtils, alors je termine l’exercice avec la musique du groupe en question pour que les gens s’habituent.

À titre d’exemple, si on me demande d’expliquer la gavotte de l’Aven version néo grenobloise caresse, je vais expliquer la danse avec sa musique lente, et j’en profite pour les sensibiliser au scandale « la gavotte de l’Aven, c’est pas du tout ça« , en les faisant également danser sur la musique bretonne, pour sensibiliser les gens à l’existence de la version traditionnelle.

Au besoin, voici une playlist de musiques que j’utilise en initiation.

Mon problème personnel, c’est que je découpe bien les pas lentement, mais que je choisis toujours une musique un poil trop rapide pour la pratique, et que des musiques qui me semblent simples sont parfois déjà trop complexes.

L’initiation au fil de l’eau

Un autre format que j’ai pu tester, c’est l’initiation “au fil de l’eau” c’est-à-dire que le bal est lancé, et vous allez expliquer les danses au fur et à mesure avant chaque morceau. C’est un format que Paris Bal Folk a expérimenté en plein air sur certaines terrasses pendant l’été.

L’avantage, c’est bien sûr que vous démarrez le bal tout de suite.

L’inconvénient, c’est qu’il y a plein de monde qui vous écoute, notamment des gens qui se fichent complètement de l’initiation et/ou qui savent déjà danser. Autre inconvénient, ça casse le rythme des musiciens, donc c’est à bien convenir à l’avance avec eux, parce que ça va rallonger le temps du bal. Plus vous allez parler, moins il y aura de temps pour danser. Il faut donc être rapide, limpide, et résistant au stress.

Gérer le temps

Dans ce cadre, il est plus difficile d’obtenir l’attention des gens. Il faudra se rendre très visible, travailler votre attitude corporelle pour capter l’attention des gens (d’où le micro, vraiment indispensable dans cette situation). On ne parle plus d’expliquer les danses en 15 minutes, mais en 3 minutes. Vous n’aurez pas le temps de faire de la dentelle. Il faudra probablement choisir entre expliquer les pas ou la dynamique (déplacement, attitude, regards). 

Si c’est possible, essayez d’impliquer les danseurs confirmés en les faisant se mélanger avec les débutants, ou utilisez-les pour montrer l’exemple.

Ne pas tout expliquer

Dans ce format, il faut tailler tout le superflu et ne pas expliquer toutes les danses pour ne pas traîner en longueur. Dans ce cadre, j’essaie d’expliquer une danse sur 2 ou sur 3, pendant la première moitié du bal. 

Par exemple :

  • dans ce contexte, je n’explique pas la valse, car tout le monde a grosso-modo une idée de ce à quoi ça ressemble
  • Pour la bourrée 2 temps, j’explique le placement, le déplacement général, et les échanges de regards. Les gens se débrouillent avec les pieds.

Ce format vous obligera vraiment à faire des choix, clairement vous ne leur apprenez pas à danser, mais bien à vous débrouiller au mieux.

Mes hantises personnelles

Vous avez peut-être l’habitude des allocutions en public, de la gestion du temps de parole ou de la pédagogie. De mon côté, j’ai plein de craintes, de tocs et de mauvaises habitudes qui reviennent régulièrement et que j’essaie de maintenir sous contrôle. En voici quelques exemples.

Ne pas trop parler

C’est paradoxal parce qu’on a un milliard de choses à transmettre. Malgré tout, les gens sont là pour danser, apprendre, pratiquer et le temps n’est pas extensible.

Mon conseil c’est donc d’être le plus synthétique possible : j’essaie de ne pas raconter ma vie, de rester factuelle, de ne pas présenter mon expérience personnelle comme une valeur absolue. 

J’essaie d’être un peu directive sans avoir à aboyer des ordres. Les gens attendent souvent notre signal pour inviter quelqu’un, une espèce de validation ou je ne sais quoi, et des fois ça peut prendre un peu de temps.

Ne pas corriger

Parfois, je me force à ne pas corriger les gens de manière individuelle, il n’y a généralement pas le temps pour ça. Sauf problème criant de posture ou d’attitude, j’essaie de laisser filer, ou je me garde dans un coin de la tête d’aller parler à la personne à la fin de l’initiation. J’essaie toujours de garder l’œil sur le collectif, et de laisser du temps pour les questions spécifiques à un moment à la fin de la session

Peser ses mots

Le choix du vocabulaire est important, et j’ai fait d’innombrables bourdes de vocabulaire. Les gens prennent parfois l’air effrayé quand j’ai été trop catégorique ou maladroite.

Ainsi, je ne dis plus « poussez » mais « donnez une impulsion« .  Je ne dis pas « pliez les genoux » (redoutable) mais « déverrouillez les genoux ». Comme on me l’a conseillé, j’ai remplacé « Pas de questions ?? » (terme enfermant) par « avez-vous des questions ? »

J’ai aussi parfois tendance à être trop catégorique, « il faut faire ça » ou « ne surtout pas faire ça » mais c’est un jugement et j’essaie de me surveiller pour ne pas trop être jugeante.

Enfin, quand j’ai commencé, on m’a conseillé de bien porter attention aux comportements non-verbaux des gens : si plusieurs personnes regardent leur montre, gigotent sur place ou s’assoient, c’est probablement que vous parlez depuis trop longtemps. S’ils parlent ou s’ils se mettent sur la pointe des pieds, peut-être ne vous entendent-ils pas bien ?

Ne pas copier les autres et rester soi même

A mes débuts, j’ai eu la chance de partager des cours débutants et des initiations avec Cyril et Helena, deux danseurs très pédagogues, doués et gentils, et naturellement drôles, que les élèves adorent. Pendant longtemps j’ai fortement voulu leur ressembler et j’ai fait plein d’efforts, j’ai essayé d’être drôle, de faire des blagues, mais je sentais bien que c’était forcé. J’ai donc pris mon parti, et décidé d’arrêter de faire des blagues. Je ne suis pas drôle, mais ce n’est pas grave. Je viens, j’essaie de transmettre ce que je peux, et voilà, les gens font naturellement avec la personne que je suis. Et d’ailleurs, je pense être beaucoup plus drôle depuis que je n’essaie pas de l’être.

Le rapport social, cet aspect complexe

On pourrait s’arrêter là, et simplement parler de la danse, mais il reste un aspect fondamental à aborder selon moi car il faut prendre les bonnes habitudes dès le début :

  • la posture en danse de couple
  • le consentement
  • les règles d’invitation et de rapports sociaux

La posture

Vous n’aurez probablement pas beaucoup le temps en initiation d’aborder la posture. J’ai quand même constaté que régulièrement les débutants ne connaissent pas la position des bras, les leaders ont tendance à planter leurs doigts dans la colonnes vertébrale des followers, des followers dansent cambrées en arrière avec le bassin vers l’avant. Les gens stressés contractent leurs épaules… Bref, ce n’est pas toujours super confortable d’un côté comme de l’autre.

Adopter une bonne posture
c’est plus ou moins confortable

Pour s’épargner des remarques, il est toujours bien d’expliquer à minima les règles de bases de la posture en danse de couple. J’avais déjà fait un petit sujet sur le respect du corps, je vous laisse regarder ça.

Parler de position corporelle de manière technique sera aussi la bonne occasion d’enchaîner sur la notion de consentement. Chouette, chouette.

Le sens du bal

En expliquant les danses de couple, j’essaie toujours d’avoir un mot sur le sens du bal. Vous savez, ce flux de personnes qui devrait circuler en sens anti-horaire, avec le flux rapide à l’extérieur, le flux lent à l’intérieur ? 🙂

Je sais que tout le monde n’en voit pas l’utilité, mais au-delà de l’aspect circulatoire, on touche là à la notion de gestion de l’espace et du respect des autres couples. Car oui, danser c’est aussi respecter l’espace de danse des autres, optimiser les déplacements pour que tout le monde profite du parquet. C’est aussi surveiller et obtenir l’espace disponible pour que votre partenaire et vous profitiez du maximum de sécurité et de confort dans la danse.

Consentement et règles sociales en bal

On pourrait se dire “oui bah je ne vais pas leur apprendre à inviter poliment” mais si, en fait. 

Force est de constater que les gens qui arrivent n’ont pas les codes, ils ne savent pas ce qui va se passer, ce qu’ils ont le droit de faire ou pas. Et derrière nous, nous avons toute une histoire de règles sociales plutôt strictes, de chaperons, d’hommes qui doivent inviter les femmes à danser…

Le rapport social est justement un des éléments les plus compliqués du bal. Il me semble important que les gens sachent :

  • qu’il est possible de dire simplement non à une danse, mais le faire de manière bienveillante
  • qu’il est important de dire oui à une danse avec enthousiasme
  • que ce n’est pas aux hommes d’inviter systématiquement
  • qu’on peut demander des informations sur la danse à son voisin, mais également refuser qu’on nous enseigne toute sa science sur le parquet
  • que la meilleure attitude est de demander à danser avec le sourire, et pas tirer par la main la première personne qui passe
  • qu’en 2021, on peut inviter une autre femme, ou un autre homme à danser
  • et si on en a envie, on peut guider si on est une femme, ou suivre si on est un homme

J’ai sur mes tablettes un article complet sur l’invitation donc je ne vais pas m’étendre davantage. 

Le consentement enthousiaste

Je préciserai juste que ma théorie personnelle sur le consentement en danse c’est que le « oui » doit être « enthousiaste » mais aussi « bienveillant ». En bref, il ne faut pas se forcer à dire oui pour quelle raison que ce soit, mais en restant aussi bienveillant que possible à l’égard des inconnus, des débutants, des moches et des gros etc. Se respecter en étant le plus ouvert possible, donc.

Inciter les débutants à s’inviter

Un autre élément tellement important à la construction d’une communauté de danseurs : inciter les gens à se rencontrer et à s’inviter pour que tout le monde se sente inclus (scoop : ce n’est pas le cas partout).

Généralement, en toute fin d’initiation, j’invite les gens à repérer qui était avec eux à l’initiation, à se présenter, à boire un verre ensemble et aussi à s’inviter entre eux. Il n’est pas aisé pour un débutant isolé d’inviter un danseur confirmé et socialement installé, alors autant qu’il noue des liens avec des personnes qui sont dans le même cas que lui.

L’idée est que la communauté se construit dès qu’une nouvelle personne met le pied dans la salle. Il faut donc qu’elle se sente bienvenue, et aussi qu’elle ait les clefs des règles sociales du groupe. Une bonne soirée pour un débutant, comme pour n’importe qui, c’est être invité et danser.

Associations, engagez-vous !

Le mot de la fin sera pour les associations qui font appel à leurs bénévoles pour donner l’initiation. L’initiation, ce n’est pas un truc annexe qu’on pose là parce qu’il faut en faire une en la lâchant au premier bénévole venu qui a le temps, et j’imagine que vous en êtes conscient.

Votre communauté est quelque chose qui se construit et qui se réfléchit, c’est un parcours avec des éléments qui permettent aux gens à la fois de découvrir votre univers, de se développer et de se sentir bienvenus (pour avoir envie de rester). Du coup, je trouve important de ne pas refiler le boulot à quelqu’un par hasard et ensuite de le laisser se débrouiller seul avec ! 

Aussi, je trouve utile d’expliquer à la personne :

  • Pourquoi vous l’avez choisie (because syndrome de l’imposteur)
  • Votre démarche et vos valeurs
  • Vos attentes par rapport à l’initiation qu’elle va donner

Vous pouvez expliquer votre démarche pédagogique, votre objectif, la présenter au groupe de bénévoles, l’aider à construire son programme. Au besoin, faites une fiche récap à partager à vos initiateurs. Mais également, vous pouvez assister à son initiation, lui faire des retours, lui demander des retours…

Pendant plusieurs saisons j’ai été référente initiation sur les bals de Paris bal folk, avec la mission de coordonner le planning des bénévoles initiation hebdomadaires.

L’association avait mis en place le système suivant :

  • Une liste évolutive de bénévoles spécifiquement pour l’initiation : des gens dont nous connaissons le niveau de danse, qui partagent nos valeurs, qui connaissent bien la soirée, qui ont une pédagogie à amener et l’envie d’échanger
  • Nous assistons au moins une fois à l’initiation pour voir comment ça se passe, et nous faisons des retours autant que possible
  • Nous assurons une traçabilité des initiations : combien de personnes étaient présentes, quelles danses ont été abordées…

Dans la liste des choses à améliorer, on aurait pu imaginer encore plein de choses avec le temps et l’énergie adéquats : des réunions avec les initiateurs, plus de retours d’expérience, des ateliers de partage de connaissances ou d’astuces…

Imaginez des formats

Toujours dans l’idée de rendre l’initiation le plus interactive et attractive possible, il y a plein de choses à imaginer : un tour de présentation des nouveaux danseurs, des initiations asymétriques (par exemple, 2 fois 10 minutes sur des danses de groupe, et 40 minutes plus approfondis sur la scottish…), l’intervention d’un musicien pour parler de la culture musicale du folk… Il y a aussi pas mal de documentation qui peuvent vous aider à construire vos initiations.

Enfin, s’il vous vient l’envie d’échanger avec d’autres transmetteurs et animateurs, je vous invite à rejoindre les discussions du groupe Facebook “Transmettre les danses trad et folk”. J’en fais partie et nous organisons des visios tous les mois pour échanger sur différentes thématiques liées à la transmission.

Vous voyez que l’initiation, qui devrait être un sujet simple, se révèle pour moi éminemment complexe ? J’aime beaucoup faire des initiations, transmettre mon enthousiasme pour ces danses, et voir une lumière d’intérêt chez les gens ! C’est mettre de l’énergie au service de la communauté, et découvrir des choses soi-même sur la danse, qu’on pensait évidentes.