Unsplash : Nadim Merrikh

La Journée des Droits des Femmes s’applique aussi à la danse

Jeudi c’était le 8 mars, la fameuse Journée Internationale des Droits des Femmes. Faute de temps, cet article sort donc en retard, mais je pense que j’ai bien fait, entre celles qui ont reçu des roses, la caissière du Carrefour qui demandait à ses clients « à quand la journée de l’homme lolilol j’espère que tu seras galant aujourd’hui », et enfin tous les pugilats de statuts dont Facebook regorge, je pense qu’il valait mieux repousser ma publication. D’autant que cet article sera encore valable demain et tous les autres jours de l’année.

Je ne sais pas pour vous, mais je ne suis pas une grande féministe. Bien que très concernée par la question, je ne suis investie dans aucun groupe, aucune association qui se mobilise sur ces questions. Et je culpabilise un peu, bien évidement.

Mais allez savoir, peut-être que moi et toutes autres personnes concernées pourrions agir à notre niveau  pour un changement des mentalités ? La danse est un terrain qui véhicule encore pas mal de clichés genrés et/ou sexistes au quotidien. Vous aurez remarqué que ce blog aborde régulièrement ces thématiques (genre ), mais alors que faire qui pourrait s’appliquer dans ma vie de danseuse de tous les jours ?

Qu’est ce que je fais / peux faire, moi, au quotidien ?

Comme on est jamais aussi bien servi.e.s que par soi même, voici quelques propositions pour vous mesdames qui sont aussi valables pour vous messieurs (quel monde merveilleux), et qui à mon humble avis participent à l’évolution graduelle des mentalités.

Proposition 1 : j’invite à danser

The Ask me to dance project
Ask me to dance était un projet de la scène blues/swing américaine pour produire des bracelets « invite moi à guider » et « invite moi à suivre » pour inciter les danseurs à s’inviter en fonction du rôle qu’ils aiment.

Soyons honnêtes, selon la tradition ce sont les hommes (qui guident) qui invitent les femmes (qui suivent). J’ai régulièrement entendu des hommes dire que c’était encore pas mal le cas, et ça détendrait sûrement tout le monde si les femmes invitaient davantage.

Proposition 2 : j’apprends à guider (et les messieurs à suivre)

Faire évoluer les mentalités, c’est aussi montrer l’exemple. On voit de plus en plus de femmes guider, un peu moins d’hommes suivre (teaser : bientôt un article à ce propos). Montrons l’exemple dans les cours et sur les pistes de danse. Nous sommes de vraies guideuses, et pas des suiveuses qui passent le temps par manque de cavaliers.

Proposition 3 : je ne guide pas « par dépit »

Je vous avoue que j’ai commencé à guider un peu par dépit par manque de cavaliers. Je n’aime pas rester sur ma chaise à attendre qu’un homme m’invite (cf. Proposition 1) et j’ai vite décidé de danser quand même, quitte à guider.

Mais quand je vois le niveau des femmes qui suivent, j’ai vite arrêté de jauger ma réussite en bal au nombre de danseurs masculins qui ont bien pu m’inviter

Yay, invitation !

En 12 ans de danse j’ai régulièrement entendu (et probablement dit) des « dommage, ce soir seulement 3 hommes m’ont invitée et du coup j’ai dû guider des copines pour pouvoir danser ». Nope. On arrête ça tout de suite, inviter et guider des femmes c’est fantastique et c’est pas du second choix !

Proposition 4 : je ne me tais pas quand un partenaire me fait mal et/ou me met mal à l’aise

Voila quelque chose de super important et de très délicat, que j’ai toujours beaucoup de mal à faire. J’ai peur de passer pour la chieuse, j’ai aussi peur qu’on se moque de moi, et bizarrement j’ai aussi peur qu’on me plante au milieu du parquet si je fais une réflexion à mon partenaire.

J’ai toujours été convaincue que braquer une personne avec de l’agressivité n’avait aucune chance de le faire changer d’avis ou d’attitude. Donc : politesse, fermeté, clarté sont les maîtres-mots. Quitte à avoir toujours quelques petites phrases de prêtes si jamais le langage corporel ne suffisait pas.

À coup de « excuse moi, tu pourrais bouger ta main s’il te plaît ? » avec un contact visuel direct, en passant par le « je serais plus à l’aise si on dansait moins près » et le je-ne-fais-pas-le-porté suivi du « désolée je ne fais le porté que si je suis en confiance et là je ne le sentais pas ».

Pour ceux qui douteraient que les situations de malaise existent dans les milieux de danse où tout le monde est si gentil, je vous renvoie au Tumbler Parquets Glissants qui récolte des témoignages sur ces situations.

On est d’accord qu’il y a aussi beaucoup plus de monde qui se tient bien, mais que ce sont des situations qui arrivent quand même régulièrement. Soyons prêt.es à expliquer, recadrer, éduquer et un jour (espérons) on n’en parlera plus.

Proposition 5 : je ne fais pas

Vous l’aurez compris, si je ne le sens pas, je ne le fais pas. Les dips, les sauts, les body-roll… si je n’ai pas envie ou que c’est mal guidé je n’y vais pas. Nous ne sommes pas des poupées et suivre ne veut pas dire tout accepter. Avec certains danseurs je dois mettre mon corps « à la défensive », c’est à dire que je dois faire un effort physique pour me protéger lors des tours, contrer ou atténuer des mouvements trop brusques, ou me rattraper pour ne pas tomber, alors je peux aussi me dire que « non merci, est-ce que tu peux y aller un peu plus molo s’il te plaît ».


..ou pas…

Et messieurs leaders, on vous incite bien sûr à avoir une petite réflexion sur les passes que vous faites, pourquoi vous les faites, sont-elles bien faites, avec qui vous les faites. 😉

Proposition 6 : je fais la promotion de la danse dégenrée et du respect du corps de la femme

Great tshirts of Maartje de Goede
Dutch dancer Maartje de Goede, Cadansa’s designer, makes fantastic tshirts
Tshirt "Dance roles are a social construct" 
Maartje de Goede, designer de Cadansa, propose plusieurs tshirts "Dance roles are a social construct" et "Equality Esquire".
En savoir plus

Alors oui, c’est un peu pesant parfois de corriger les gens « je ne fais pas le garçon, je guide », mais utiliser soi-même les bons mots et inciter (gentiment) les autres à faire de même participe à mon avis à l’évolution des consciences.

Et donc pour finir, big up à tou.s.tes ce.lles.eux qui œuvrent à l’évolution des mentalités sur la danse, aux profs de danse qui enseignent le respect du corps de la femme et la danse dégenrée, aux filles qui guident, à celles qui osent refuser une danse, à celles qui ont le courage d’interpeller un danseur qui leur fait mal, à celles qui dénoncent les abus et les agressions petites ou grandes qu’elles ont dû subir.

Et aussi merci à ces messieurs, les danseurs qui ne te font pas tourner dans les cercles parce qu’ils ont bien vu que le danseur précédent t’a baladée comme une toupie, à tous ceux qui apprennent à faire des dips correctement parce qu’ils ont peur de te faire mal au dos, ceux qui privilégient la qualité de la connexion au nombre de passes, ceux qui ont déjà « fait la fille » et ont trouvé que la formulation était totalement has-been.

Et à tou.te.s, bonne chance. Pour tous les jours.