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Anne Brontë, la troisième soeur

Comme j’aime beaucoup les romancières du 19 ème siècle, on me demande souvent  si j’aime les sœurs Brontë. Comprenez par là “as-tu lu Jane Eyre et Les Hauts de Hurlements ?”. A cette question je réponds oui bien sûr mais j’en profite toujours pour rappeler que ma chouchou absolue chez les sœurs Brontë, c’est la troisième sœur -la moins connue -Anne. Et comme généralement mon interlocuteur ouvre de grands yeux en se demandant qui peut bien être Anne Brontë, j’ai décidé de faire ce petit article pour réparer cette injustice.

Soyons honnête, je reconnais les qualités des deux aînées, notamment Jane Eyre qui est un roman exceptionnel. Mais aux romans trop gothiques et tape à l’œil des deux aînées, je préfère la simplicité de la cadette qui aborde les mêmes thèmes mais avec plus de simplicité. Anne a pondu deux romans à l’instar de ses sœurs, dont voici vite fait un petit résumé.

Agnès Grey

Cadette dans la famille d’un pasteur pauvre sur le déclin,  Agnes Grey décide de s’émanciper et de gagner son propre pain en trouvant une place de gouvernante dans une famille riche. Sa famille ne croit pas trop en ses capacités mais elle y va quand même, certaine qu’avec de la culture et de la bonne volonté il est possible de se faire une place décente. Bien évidement la réalité est beaucoup moins dorée et elle va découvrir que l’éducation parentale dans les familles riches rime bien trop souvent avec bêtise, médiocrité et laxisme.

Le premier roman de Anne est sorti en même temps que ceux de ses sœurs et il est vite passé pour le plus plat et ennuyeux des trois. En un sens c’est vrai mais, plus qu’à moitié autobiographique c’est aussi le plus réaliste et certainement le plus positif. Et pour ces raisons je l’ai trouvé tout à fait décent, comme une petite fenêtre sur la réalité d’une gouvernante au 19ème siècle.

Mais mon admiration va d’avantage à son deuxième roman, paru quelques mois avant la mort de leur frère Branwel Brontë et de sa propre mort quelques semaines plus tard.

The Tenant of Wildfell Hall

En français, La Dame du Manoir de Wildfell Hall.

Dans un village perdu de la campagne anglaise, une jeune femme et son petit garçon s’installent dans les restes d’un manoir lugubre. Très belle mais austère, Helen Graham est manifestement de haute extraction mais dépourvue d’amis et de relations, elle vit recluse et tire ses revenus de la vente de ses peintures. Une situation qui ne manque pas d’attirer l’attention et les ragots de tout le village et en particulier Gilbert Markham le jeune propriétaire terrien en vue de la région, beau et dynamique.

Au début, rebuté par l’attitude froide et hautaine de la jeune femme il va la prendre en grippe mais comme il est bien connu qu’on désire le plus ce qu’on ne peut avoir, il va vite en tomber amoureux, et par l’occasion va essayer d’en savoir plus sur son passé. Dans le même temps alors que tout le village s’intéresse à elle, la jeune femme affiche son dégoût prononcé pour les ragots, les “bons conseils” et les normes sociales qui restreignent son libre arbitre et envahissent sa vie privée.

J’aime beaucoup le style narratif de ce roman épistolaire, divisé en trois parties. La première est composée des lettres de Gilbert à son meilleur ami pour lui faire part de ses rencontres avec la belle veuve. La deuxième partie nous éclaire sur le personnage mystérieux d’Helen par son journal intime qui nous apprend toute son histoire et dévoile ses secrets. Un épilogue clôture le roman.

Anne Brontë, comme mon auteur préférée Jane Austen, critique la société et particulièrement la bêtise et les ragots et met en avant l’intelligence de ses héroïnes. Un roman bien  féministe comme je les aime qui rend justice aux femmes de l’époque, d’une auteur qui a décidé de mettre le doigt sur les paradoxes de la société anglaise du 19ème siècle et de dénoncer les injustices faites aux femmes. Mais comme les romans de Jane Austen, elle ne fais pas non plus de généralités sur la gent masculine, et préfère penser positivement qu’il y a de l’espoir au bout du compte.

Petit retour sur la famille Brontë

Si comme moi vous avez lu les préfaces des livres des sœurs Brontë, vous savez certainement qu’elles ont été élevées à la maison en circuit fermé, avec leur frère aîné. Considéré comme LE véritable talent de la famille (parce que c’est un homme?  Parce qu’il était véritablement meilleur que ses 3 incroyables sœurs ?), toujours est il qu’il brûla la vie par les deux bouts et ses excès le conduirent à la tombe avant qu’il ait pu laisser de chef-d’oeuvre à la postérité comme l’ont fait ses 3 sœurs.

Toujours grâce aux préfaces, j’ai appris que dans chaque personnage tourmenté, excessif et brisé des romans Brontë il y avait la critique plus ou moins masquée de leur frère. Et vu le roman, Anne à certainement dû ramasser son génie de frère dans le caniveau plus d’une fois.

En ce sens c’est le roman le plus critique de la société des sœurs Brontë, car très ancré dans la réalité. Il aborde des thèmes comme la condition féminine,  l’éducation et le conditionnement des hommes, la violence domestique, les méfaits de l’alcoolisme, le travail et l’émancipation des femmes… Ça dénonce, ça taille et ça fait du bien.

Merci la BBC

Comme pour bon nombre de romans classiques, en 1996 la BBC a adapté The Tenant of Wildfell Hall en mini série de 5 épisodes. La série n’est pas mal, mais j’ai déjà vu plus gai. Ca sent bien la tourbe et la campagne anglaise du 19me siècle. Si vous avez la flemme de trouver les dvd, sachez qu’on trouve tout sur youtube.

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